Gouvernance familiale – Petit à petit vers une compréhension commune
Y A-T-IL UN « BON MOMENT » POUR ÉTABLIR UN PROCESSUS DE GOUVERNANCE FAMILIALE?
Beaucoup comprennent l’importance d’une saine communication au sein d’une famille. Les enjeux peuvent être plus importants pour les familles très fortunées. Toutefois, peu d’entre eux comprennent comment établir des voies ou des pratiques de communication efficaces, ou comment développer une entente commune parmi les membres de la famille pour faciliter la prise de décisions. Une saine pratique de gouvernance est cruciale pour les familles très fortunées, pour veiller à ce que chaque membre de la famille puisse s’exprimer et à ce que les questions urgentes ne soient pas « balayées sous le tapis » ou ignorées jusqu’à ce qu’elles deviennent d’énormes problèmes qui ne peuvent tout simplement plus être ignorés.
- Y a-t-il un « bon moment » pour établir un processus de gouvernance en tant que famille?
- Comment établit-on une telle structure (officielle ou informelle) pour les membres de la famille si un ou deux d’entre eux ne veulent pas participer?
Il peut y avoir beaucoup d’hésitations à faire appel à une tierce partie objective pour aider à créer une gouvernance qui fonctionne pour la famille. Certains croient peut-être fermement au proverbe « pas besoin de réparer ce qui n’est pas cassé », ce qui signifie qu’il n’y a pas de problème pressant à régler, ou qu’il n’y a pas de contraintes de temps quant à des décisions qui doivent être prises, et estiment jouir d’une harmonie familiale. Il s’agit toutefois d’une façon malsaine d’envisager la gouvernance, surtout lorsque les émotions humaines sont en jeu (et lorsqu’il s’agit de la famille, les émotions sont toujours en jeu). La gouvernance est habituellement négligée jusqu’à ce qu’il soit trop tard. On n’y pense qu’au moment où une décision doit être prise concernant un événement majeur de la vie. Les familles peuvent également se rendre compte qu’elles ont besoin de soutien pendant une étape ou un changement d’envergure lorsque des décisions sont imminentes : la vente d’une entreprise, un événement de liquidité ou un événement qui change la vie (comme un divorce, un décès ou une maladie en phase terminale) ou lorsque la situation financière change, ou la famille passe à trois ou quatre générations. Cependant, essayer d’établir un processus de gouvernance devient plus compliqué lorsqu’il s’agit d’une situation réelle, lorsqu’il y a urgence et que des décisions importantes doivent être prises immédiatement. Un tel contexte n’est pas idéal pour établir un processus ou trouver une façon d’en arriver à une compréhension commune.
De plus en plus, les familles choisissent de s’engager dans un processus de gouvernance pendant une période prolongée où elles ne vivent pas un événement majeur de la vie. C’est le meilleur moment pour commencer à discuter du processus, étant donné qu’il n’y a pas d’urgence entourant la nécessité du processus ou qu’il n’y a pas d’émotions vives découlant du fait de devoir composer avec une tragédie en même temps. La pandémie de COVID-19 a en fait accéléré cette façon de penser pour de nombreuses familles. C’était une période inattendue à laquelle personne n’était vraiment préparé. Les familles se sont rendu compte qu’elles voulaient essayer de devancer tout imprévu qui pourrait se reproduire. Elles ont traversé une période sans précédent et veulent être plus proactives et mieux informées.
Étapes pratiques pour une gouvernance efficace
La gouvernance peut toutefois être lourde à gérer, et parfois les membres de la famille ont l’impression de ne pas pouvoir aller de l’avant parce que le processus est trop long. Ils craignent que certaines questions soient soulevées immédiatement et que le fait d’en discuter ne fasse qu’empirer la situation. C’est dans la nature humaine de vouloir éviter de se retrouver dans de telles situations. Toutefois, la gouvernance vise le progrès et non la perfection. Il ne s’agit pas d’atteindre une destination immédiatement, mais plutôt d’établir, petit à petit, une communication et une compréhension commune concernant la façon dont les décisions sont ou devraient être prises. Une première étape pourrait être de réfléchir à la façon de tenir des réunions de famille.
Un bon point de départ consiste à s’assurer que les membres de la famille ont leur mot à dire, plutôt que de laisser le principal créateur de richesse choisir la formule. En créant un espace sécuritaire où ils peuvent parler ouvertement, on donne aux membres de la famille la capacité d’agir. L’établissement d’un ordre du jour est également encouragé, de sorte que chaque personne puisse se sentir entendue sur les sujets qu’elle souhaite aborder. Un modérateur peut aider à établir le processus. De tierces parties objectives qui connaissent bien le processus de gouvernance peuvent assurer un environnement constructif pour les membres de la famille et que les conversations se déroulent de manière respectueuse. Un modérateur peut également mettre en contexte l’importance de ces discussions et expliquer comment d’autres familles ont vécu des situations semblables. Tirer parti de l’expérience d’autres familles aide à comprendre les dénouements possibles de ces réunions.
S’il y a encore quelques membres de la famille qui ne veulent pas participer, le fait de reconnaître les conséquences de ne pas s’attaquer à ces problèmes pourrait les aider à changer d’avis. Les réunions n’ont pas à être fondées sur des formules et elles ne visent pas à imposer des systèmes de valeurs les uns aux autres. La gouvernance consiste plutôt à expliquer pourquoi et comment on en est arrivé à de telles réflexions et à créer une analyse de scénarios pour ce qui pourrait se produire à l’avenir. Les scénarios de décès ou d’incapacité peuvent sembler morbides, mais ils sont pratiques et utiles pour de nombreuses familles. Dans le cadre de ces scénarios, on s’assoit avec les principaux créateurs de richesse pour examiner tout ce qu’ils ont planifié à ce jour pour leur famille, leur patrimoine et leur succession. Il s’agit de comprendre comment les choses vont se dérouler et ce qu’il adviendrait de la succession compte tenu du plan actuel.
Construire la compréhension et la confiance
Au-delà de l’aspect pratique de la préparation de l’avenir, la gouvernance est une question de compréhension, de communication, de partage et, parfois, de lâcher-prise. En ce qui concerne plus particulièrement la planification successorale, les exercices visant à déterminer ce qui se passera sont importants, mais il est tout aussi important de discuter du « pourquoi ». Pourquoi la personne crée-t-elle cet héritage de cette façon? Pourquoi est-il important que les volontés soient exécutées d’une façon plutôt que d’une autre? Les réunions de gouvernance aident à communiquer les volontés et les valeurs, et à développer une compréhension des sujets auxquels les membres de la famille n’ont peut-être pas entièrement réfléchi au préalable. Le but de la détermination du « pourquoi » est que les intentions soient clairement énoncées et que la continuité soit établie. La découverte de tels détails peut changer certains points de vue, mais elle aide aussi à donner lieu à des discussions franches afin que les membres de la famille puissent échanger de façon constructive. Cela permet une transition plus harmonieuse le moment venu.
L’aspect de la gouvernance qui trouve écho chez de nombreuses personnes consiste à s’attaquer à des problèmes qui, à un moment ou à un autre, les ont concernés. Chaque famille est unique et a une histoire qui l’a amenée là où elle est aujourd’hui. Certaines relations familiales peuvent d’ailleurs avoir subi des dommages au courant de cette histoire. Mais comprendre le « pourquoi » aide les gens à réaliser comment ils ont intériorisé cette histoire et ils l’ont gérée. À travers des discussions, les membres de la famille sont invités à réfléchir à la façon dont certaines situations les touchent et à la façon dont ces situations continuent d’avoir un effet sur leurs interactions avec d’autres membres de la famille. Une fois que la confiance et la compréhension sont établies, les membres de la famille peuvent commencer à mettre de côté leur mauvaise volonté et miser sur l’amélioration de ces relations.
La gouvernance consiste à communiquer et à gérer les émotions dans un environnement sécuritaire. Il ne faut pas penser que c’est quelque chose de corporatif, ou d’officiel et de rigide. Bien que les familles et les entreprises familiales prospères aient besoin d’une certaine structure, cela ne devrait pas être le moteur de la gouvernance. La gouvernance offre aux membres de la famille un moyen de mieux communiquer, d’interagir de façon plus positive et d’arriver à prendre des décisions éclairées ensemble, d’une manière qui maximise l’harmonie actuelle et future du cercle familial.